À quel âge un individu arrive-t-il à comprendre que le style vestimentaire, la coiffure et les accessoires que choisit de porter une femme, ça ne le regarde pas? Du moins, à quel âge a-t-il suffisamment de maturité pour garder ses réflexions pour lui? Poser la question c'est y répondre. Je fais référence ici à ce débat entourant une enquête britannique présentée par Isabelle Maréchal au 98,5 fm ayant pour thème « Jusqu'à quel âge une femme peut-elle porter...? ». Ce type d'enquête sur l'opinion des gens à l'égard du comportement vestimentaire des femmes en lien avec leur âge n'est pas nouveau. Ce sujet continue de soulever les passions et nous rappelle malheureusement que « tout le corps de la femme est social », pour paraphraser Geneviève St-Germain.
Ce qui me désole dans ce phénomène, c'est de réaliser à quel point l'apparence de la femme est encore sous l'emprise des diktats. Il y a d'abord eu ceux du clergé qui obligeaient les femmes à se chapeauter et à se ganter pour fréquenter les lieux saints. Les oracles des tendances ont par la suite pris le relais et s'en sont donnés à cœur joie en prônant des « horreurs » ou bizarreries aux femmes, au nom de la liberté et de la créativité.
Et voici où le bât blesse aujourd'hui. On retrouve entre autres par le biais des réseaux sociaux, des gérants d'estrade partout, à tous les coins de rue, dans le métro, à l'aéroport. Des commenteux sans arguments valables, des normaux anonymes qui ont une opinion sur tout et particulièrement sur le corps et l'apparence de la femme, un de leurs sujets de prédilection. « C'est une orgie de narcissisme. Tout est étalé pour mesurer et discriminer. C'est un monde anarchique où on peut dire n'importe quoi à n'importe qui. » Diane Perron, sociologue. La Presse, samedi 3 septembre 2016, Olivia Lévy.
Pour chaque énoncé supportant et encourageant la différence, un gérant d'estrade détruit le chemin parcouru dans l'affirmation des femmes, par sa méconnaissance et ses jugements gratuits. Que de discussions oiseuses. On ose ensuite se demander si les femmes, les homosexuels, les marginaux ne sont pas tous paranos. Les murs parlent, les regards figent, les miroirs jugent et les cons commentent.
On semble accepter la différence quand elle est ultra édulcorée. Par exemple, tu peux, chère dame de 65 ans, porter les cheveux longs si tu ne fais pas ton âge ou que ta repousse n'est pas apparente. On accepte jeune homme que tu sois gay si tu n'es pas efféminé. On n'a rien contre les grosses pourvu qu'elles ne s'exposent pas en maillot deux pièces sur la plage. Le problème dans la dynamique des apparences est qu'il ne faut pas que ça paraisse.
Ces notions d'âge maximal auquel une personne peut porter un style de vêtement reposent sur de vieux dogmes qui ne tiennent plus la route et démontrent bien la méconnaissance de ceux qui critiquent les habitudes de vie des gens, leurs intérêts et valeurs sociales. À titre d'exemple, dans les années 1970, mon père prenait l'avion vêtu d'un complet veston-cravate tant pour aller en Floride que pour visiter l'Europe. Mais depuis, les façons de voyager ont bien changé, les types d'avions et le service à bord aussi, et les interminables heures perdues à attendre dans les aéroports n'ont absolument rien de jet set.
Le danger en alimentant ces dogmes est de ralentir l'ardeur de ceux et celles qui veulent s'affranchir des diktats, en les marquant du sceau « à tes risques » si tu oses être différent. En fait, nos choix vestimentaires devraient être faits en toute lucidité, en décidant ce qui nous convient, et non par peur du jugement d'autrui. Quant aux stylistes, relookeurs et vendeurs, leur rôle est de nous conseiller et non de décider à notre place. Par exemple, une forme de lunettes peut ne pas convenir à la forme de notre visage, mais correspondre au look que nous recherchons et produire l'effet que nous souhaitons. Une couleur peut ne pas cadrer avec la pigmentation de notre peau, mais s'accorder à notre forte personnalité. Et que dire de notre âge qui alimente la peur d'être en décalage avec nos looks « trop jeunes » alors qu'on sait bien que l'énergie, le bonheur et la joie « n'ont pas d'âge ».
C'est confrontant quelqu'un qui se choisit, ça énerve parce qu'il ose. En critiquant la légitimité des choix vestimentaires d'une personne, ces détracteurs créent chez celle-ci de l'inconfort, alimentent sa peur du changement et fragilisent ses choix personnels, et d'autant plus s'il s'agit d'une femme. Dans le débat sur les choix esthétiques des gens, l'aspect humain a complètement été évacué.
Le bon goût, le mauvais goût et l'esthétisme ne s'appliquent pas qu'aux apparences et aux styles vestimentaires, mais aussi à l'attitude, celle de se taire et de reconnaître qu'on ne sait pas de quoi on parle, et au respect du choix des autres, qui ne sont ni pires ni meilleurs que les nôtres.
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Ce qui me désole dans ce phénomène, c'est de réaliser à quel point l'apparence de la femme est encore sous l'emprise des diktats. Il y a d'abord eu ceux du clergé qui obligeaient les femmes à se chapeauter et à se ganter pour fréquenter les lieux saints. Les oracles des tendances ont par la suite pris le relais et s'en sont donnés à cœur joie en prônant des « horreurs » ou bizarreries aux femmes, au nom de la liberté et de la créativité.
Et voici où le bât blesse aujourd'hui. On retrouve entre autres par le biais des réseaux sociaux, des gérants d'estrade partout, à tous les coins de rue, dans le métro, à l'aéroport. Des commenteux sans arguments valables, des normaux anonymes qui ont une opinion sur tout et particulièrement sur le corps et l'apparence de la femme, un de leurs sujets de prédilection. « C'est une orgie de narcissisme. Tout est étalé pour mesurer et discriminer. C'est un monde anarchique où on peut dire n'importe quoi à n'importe qui. » Diane Perron, sociologue. La Presse, samedi 3 septembre 2016, Olivia Lévy.
Pour chaque énoncé supportant et encourageant la différence, un gérant d'estrade détruit le chemin parcouru dans l'affirmation des femmes, par sa méconnaissance et ses jugements gratuits. Que de discussions oiseuses. On ose ensuite se demander si les femmes, les homosexuels, les marginaux ne sont pas tous paranos. Les murs parlent, les regards figent, les miroirs jugent et les cons commentent.
On semble accepter la différence quand elle est ultra édulcorée. Par exemple, tu peux, chère dame de 65 ans, porter les cheveux longs si tu ne fais pas ton âge ou que ta repousse n'est pas apparente. On accepte jeune homme que tu sois gay si tu n'es pas efféminé. On n'a rien contre les grosses pourvu qu'elles ne s'exposent pas en maillot deux pièces sur la plage. Le problème dans la dynamique des apparences est qu'il ne faut pas que ça paraisse.
Ces notions d'âge maximal auquel une personne peut porter un style de vêtement reposent sur de vieux dogmes qui ne tiennent plus la route et démontrent bien la méconnaissance de ceux qui critiquent les habitudes de vie des gens, leurs intérêts et valeurs sociales. À titre d'exemple, dans les années 1970, mon père prenait l'avion vêtu d'un complet veston-cravate tant pour aller en Floride que pour visiter l'Europe. Mais depuis, les façons de voyager ont bien changé, les types d'avions et le service à bord aussi, et les interminables heures perdues à attendre dans les aéroports n'ont absolument rien de jet set.
Le danger en alimentant ces dogmes est de ralentir l'ardeur de ceux et celles qui veulent s'affranchir des diktats, en les marquant du sceau « à tes risques » si tu oses être différent. En fait, nos choix vestimentaires devraient être faits en toute lucidité, en décidant ce qui nous convient, et non par peur du jugement d'autrui. Quant aux stylistes, relookeurs et vendeurs, leur rôle est de nous conseiller et non de décider à notre place. Par exemple, une forme de lunettes peut ne pas convenir à la forme de notre visage, mais correspondre au look que nous recherchons et produire l'effet que nous souhaitons. Une couleur peut ne pas cadrer avec la pigmentation de notre peau, mais s'accorder à notre forte personnalité. Et que dire de notre âge qui alimente la peur d'être en décalage avec nos looks « trop jeunes » alors qu'on sait bien que l'énergie, le bonheur et la joie « n'ont pas d'âge ».
C'est confrontant quelqu'un qui se choisit, ça énerve parce qu'il ose. En critiquant la légitimité des choix vestimentaires d'une personne, ces détracteurs créent chez celle-ci de l'inconfort, alimentent sa peur du changement et fragilisent ses choix personnels, et d'autant plus s'il s'agit d'une femme. Dans le débat sur les choix esthétiques des gens, l'aspect humain a complètement été évacué.
Le bon goût, le mauvais goût et l'esthétisme ne s'appliquent pas qu'aux apparences et aux styles vestimentaires, mais aussi à l'attitude, celle de se taire et de reconnaître qu'on ne sait pas de quoi on parle, et au respect du choix des autres, qui ne sont ni pires ni meilleurs que les nôtres.
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